Ce dossier réunit le plus grand nombre possible de programmes d’exécutions dans le monde entier de l’orchestration par Maurice Ravel des Tableaux d’une exposition de Modest Moussorgsky, depuis la création sous la direction d’orchestre de Serge Koussevitzky, le 19 octobre 1922, jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, le 8 mai 1945.

215 concerts inventoriés, dont plusieurs radiodiffusés ; chaque fois que l’information d’une radiodiffusion est disponible, la précision est faite, source à l’appui, en note du programme.

Le dossier laisse apparaître les principaux chefs d’orchestre ayant dirigé l’orchestration :

  1. Serge Koussevitzky (commanditaire de l’orchestration) : 86 concerts (depuis la création du 19 octobre 1922)

  2. Léopold Stokowski : 11 concerts (depuis le 22 novembre 1929)

  3. Arturo Toscanini : 11 concerts (depuis le 13 mars 1930)

  4. Fritz Reiner : 8 concerts (depuis le 18 février 1930)

  5. Bruno Walter : 7 concerts (depuis un concert d’avant le 20 janvier 1931)

  6. Emil Cooper : 7 concerts (depuis le 9 octobre 1932)

  7. Arthur Fiedler : 6 concerts (depuis le 29 mai 1933)

  8. Pierre Monteux : 5 concerts (depuis le 7 janvier 1931)

  9. Albert Wolff : 5 concerts (depuis le 3 octobre 1931)

  10. Ernest Ansermet : 4 concerts (depuis le 6 décembre 1929)

  11. Paul Paray : 4 concerts (depuis le 9 février 1936)

  12. Richard Burgin : 4 concerts (depuis le 16 novembre 1943)

  13. Artur Rodzinski : 4 concerts (depuis le 1er mars 1945)

  14. Ivan Boutnikov : 3 concerts (depuis le 22 mai 1931)

  15. George Georgescu (ou Georgesco) : 2 concerts (depuis un concert d’avant le 21 mars 1930)

  16. Walther Straram : 2 concerts (depuis le 17 avril 1930)

  17. Albert Coastes : 2 concerts (depuis le 3 août 1930)

  18. Gaston Poulet : 2 concerts (depuis le 17 janvier 1932)

  19. Philippe Gaubert : 2 concerts (depuis le 23 octobre 1932)

  20. Henry Wood : 2 concerts (depuis le 16 septembre 1933)

  21. Pierre Dupont : 2 concerts (depuis le 10 juillet 1934)

  22. Jean Clergue : 2 concerts (depuis le 23 janvier 1937)

  23. Eugène Bigot : 2 concerts (depuis le 6 mars 1937)

  24. André Cluytens : 2 concerts (depuis le 24 octobre 1943)

  25. Gabriel Pierné : 1 concert (5 avril 1930)

  26. Willem van Hoogstraten : 1 concert (11 juillet 1930)

  27. Paul Bastide : 1 concert (avant le 14 novembre 1930)

  28. Georges-Martin Witkowski : 1 concert (avant le 16 janvier 1931)

  29. Ernő Dohnányi : 1 concert (avant le 4 mai 1931)

  30. Josef Krips : 1 concert (4 novembre 1931)

  31. Maurice Ravel (l’auteur de l’orchestration) : 1 concert (11 mars 1932 à Varsovie)

  32. Adam Dołżycki : 1 concert (16 mars 1932)

  33. Jean Gay : 1 concert (20 novembre 1932)

  34. Michel Steiman : 1 concert (18 décembre 1932)

  35. Enrique Fernández Arbós : 1 concert (avant le 17 février 1933)

  36. Nicolaï Golovanov : 1 concert (avant le 28 avril 1933)

  37. Alfred Cortot : 1 concert (15 octobre 1933)

  38. Adolf Wiklund : 1 concert (avant le 12 janvier 1934)

  39. Václav Talich : 1 concert (avant le 28 décembre 1934)

  40. Jules Hansen : 1 concert (avant le 29 mars 1935)

  41. Gertrud Herliczka : 1 concert (20 janvier 1936)

  42. Michel Boher : 1 concert (avant le 3 avril 1936)

  43. Roger Désormière : 1 concert (30 janvier 1938)

  44. Igor Markevitch : 1 concert (23 février 1939)

  45. Joseph Eugène Szyfer : 1 concert (avant le 21 avril 1939)

  46. Nino Sanzogno : 1 concert (avant le 2 juin 1939)

  47. Wheeler Beckett : 1 concert (8 novembre 1939)

  48. Godefroy Andolfi : 1 concert (9 mars 1941)

  49. Dimitri Mitropoulos : 1 concert (5 septembre 1943)

Méthodologiquement, les programmes sont toujours donnés avec toutes les autres œuvres éventuelles de Maurice Ravel qui y figurent.

Pour les œuvres d’autres compositeurs, présents ou absents de Dezède, leur ajout pourra être envisagé ultérieurement, la priorité de ce dossier restant les Tableaux d’une exposition et l’œuvre entier de Maurice Ravel, et ses interprètes. Toutefois, dans le cas des concerts où le concours comme chef (et/ou comme pianiste) ou la présence de Maurice Ravel comme simple spectateur sont avérés, les programmes sont renseignés de la manière la plus complète possible.

Autre choix méthodologique : pour les comptes rendus de spectacles vivants, qu’ils soient consultables en ligne sur des sites libres d’accès, comme par exemple Gallica (BnF), ou non, dans la mesure du possible, leur transcription est effectuée dans Dezède, au minimum pour ce qui concerne Tableaux d’une exposition et Maurice Ravel en général.

Historical context

Le chef d’orchestre Serge Koussevitzky, qui allait bientôt devenir à l’automne 1924 chef titulaire du Boston Symphony Orchestra (BSO) en remplacement de Pierre Monteux, eut plusieurs occasions de rencontrer Maurice Ravel à Paris durant la saison 1921-1922, à la faveur de séjours à Paris pour donner deux premières séries de concerts –les Concerts Koussevitzky- à l’Opéra de Paris (6 concerts du 10 novembre au 15 décembre 1921 et 4 concerts du 20 avril au 11 mai 1922). C’est ainsi que le chef russo-américain proposa au compositeur d’orchestrer les Tableaux d’une exposition (1874), suite pour piano de Modest Moussorgsky, commande que Maurice Ravel accepta.

Maurice Ravel était depuis sa jeunesse très amateur de musique russe (Groupe des Cinq), c’est lui qui imposa les premières mesures de la Symphonie n°2 de Borodine comme air à siffler en guise de signe de ralliement des membres du cercle ravélien des Apaches avant 1914. En particulier, il était un grand admirateur de Moussorgsky, notamment de Boris Godounov et de La Khovantchina. En 1913, lui et Igor Stravinsky avaient accepté de réorchestrer, au printemps à Clarens (Suisse), des fragments différents de La Khovantchina pour les Ballets russes de Serge Diaghilev, nouvelle version créée le 5 juin 1913 au Théâtre des Champs-Élysées.

Idéalement, Maurice Ravel aurait voulu orchestrer la version originale des Tableaux d’une exposition de Moussorgsky, mais il ne put disposer que de l’édition révisée de 1886 par Rimsky-Korsakov (l’édition conforme à l’original ne parut qu’en 1931, d’après laquelle Vladimir Ashkenazy réalisa sa propre orchestration en 1982). Maurice Ravel commença par orchestrer le dernier des Tableaux, La Grande Porte de Kiev, en avril 1922, au Belvédère de Montfort-l’Amaury, comme il l’annonce le 1er mai 1922 dans une lettre à Serge Koussevitzky : « La grande porte de Kiev est enfin terminée. J’ai commencé par la fin, parce que c’était la pièce la moins intéressante à orchestrer. Mais on ne pourrait croire combien une chose aussi facile peut donner de travail. Le reste ira beaucoup plus vite ». C’est à Lyons-la-Forêt, à la villa Le Fresne, chez son ancienne marraine de guerre, Mme Fernand Dreyfus, mère de son élève, ami et biographe Roland-Manuel, que Maurice Ravel s’isola au calme de la campagne normande pour achever l’orchestration des Tableaux en août-septembre 1922.

La création eut lieu à l’Opéra de Paris sous la direction du commanditaire, Serge Koussevitzky, le 19 octobre 1922 (par erreur, de nombreux programmes de salle du Boston Symphony Orchestra et d’autres orchestres américains, dont le New York Philharmonic, indiquent que la création date du 3 mai 1923 à Paris, date, en fait, de la troisième audition française), et reçut un excellent accueil du public, suivie d’une seconde audition, toujours aux Concerts Koussevitzky le 26 octobre 1922. De l’avis, par exemple, de Robert Brussel, « Maurice Ravel ne s’est point contenté d’orchestrer, il a interprété. Et son interprétation est celle que l’on pouvait attendre de ce grand musicien. Bien que fidèle à la pensée de Moussorgsky jusqu’à s’identifier au maître russe, il a paré son œuvre d’un coloris orchestral qui n’appartient qu’à lui » (Le Figaro, 23 octobre 1922). Pierre de Lapommeraye juge pour sa part : « le travail de Maurice Ravel est une sorte de nouvelle création : il a apporté au compositeur russe une véritable collaboration. Les Tableaux d’une Exposition au piano resteront une chose et l’œuvre d’orchestre une autre. L’auteur de L’Heure espagnole ne pouvait que refaire un autre chef-d’œuvre des pièces si variées et si vivantes de Moussorgsky » (Le Ménestrel, 13 décembre 1929).

Il convient de préciser qu’en vertu d’un arrangement du 21 mars 1922 entre les éditions Russicher Musikverlag/Édition russe de musique de Serge Koussevitzky et les éditions Bessel –éditeur de Moussorgsky-, Serge Koussevitzky avait l’exclusivité des exécutions de l’orchestration par Ravel des Tableaux d’une exposition et s’était engagé à ne pas publier et à ne prêter à aucun autre chef la partition. Du fait de cette exclusivité, les éditions Bessel passèrent commande d’une autre orchestration des Tableaux d’une exposition à un jeune musicien fixé à Paris, Léonidas Léonardi, nouvelle version créée à Paris le 15 juin 1924 par l’Orchestre Lamoureux sous la direction de l’auteur, et reprise deux fois par l’Orchestre Lamoureux sous la baguette de Paul Paray les 7 et 13 mars 1926. Le service juridique de la Sacem informa Maurice Ravel le 6 février 1928 du désir des éditions Bessel de publier son orchestration des Tableaux d’une exposition, en contrepartie de quoi elles supprimeraient l’orchestration de Léonidas Léonardi. Finalement, une nouvelle convention du 29 novembre 1928 avec les éditions Bessel permit aux éditions Russicher Musikverlag/Édition russe de musique de Serge Koussevitzky et Gabriel Païtchadze de publier la partition fin 1929 (relecture d’épreuves par Maurice Ravel à Saint-Jean-de-Luz l’été 1929).

De la sorte, prit fin l’exclusivité qu’avait Serge Koussevitzky d’interpréter l’œuvre de 1922 à fin 1929 (dont 6 auditions à Paris les 19 et 26 octobre 1922, 3 mai 1923, 8 mai 1924, 28 mai 1927 et 14 juin 1928, quelques auditions en Europe dont le 5 février 1923 à Londres et les 8 et 22 février 1924 à Madrid, et de très nombreuses exécutions aux États-Unis depuis la première américaine du 7 novembre 1924 à Boston). Pour son action importante en France en faveur de la musique, Serge Koussevitzky fut nommé chevalier de la Légion d’honneur et, le 18 juin 1925, une cérémonie fut organisée en son honneur pour l’occasion, à la salle des fêtes du journal Comœdia, en présence de nombreuses personnalités dont Maurice Ravel.

La première audition mondiale de l’orchestration par un chef d’orchestre autre que Koussevitzky eut lieu à Philadelphie le 22 novembre 1929 sous la baguette de Leopold Stokowski (avec seconde audition par le même chef le lendemain), la première audition française par un chef d’orchestre autre que Koussevitzky ayant, elle, eu lieu le 6 décembre 1929 sous la direction d’Ernest Ansermet à la tête de l’Orchestre symphonique de Paris (OSP), Salle Pleyel.

Dès lors, l’œuvre connut une grande diffusion mondiale dans les concerts symphoniques, sans compter que deux premiers enregistrements discographiques avaient vu le jour presque simultanément : le premier, de Serge Koussevitzky réalisé le 28 octobre 1930 à Boston (Victor [États-Unis], 4 disques 78 tours 7372-7373-7374-7375 formant l’album M102 ; His Master’s Voice/Gramophone [Grande Bretagne, France], 4 disques 78 tours 1890-1891-1892-1893 formant l’album M180) ; le second, réalisé en 1931 à Berlin avec l’orchestre du Staatsoper de Berlin sous la direction d’Alois Melichar (Polydor, 4 disques 78 tours 27246-27247-27248-27249, écoutable en version digitale sur archive.org ; Decca [Grande Bretagne], LY6053-6054-6055-6056 ; Brunswick [États-Unis], B90333-90334-90335-90336).

Par ailleurs, il est à signaler que l’œuvre a également été présentée sous forme chorégraphiée à Boston en 1935 et 1937, avec une chorégraphie de Hans Wiener, par les Hans Wiener Dancers et le Boston Pops Orchestra dirigé par Arthur Fiedler (première le 28 mai 1935).

Le 1er octobre 1947, les éditions Russicher Musikverlag/Édition russe de musique cédèrent tous leurs droits à Boosey and Hawkes, qui devint le nouvel éditeur de l’orchestration par Ravel des Tableaux d’une exposition. Le 29 octobre 1959 les éditions Bessel intentèrent un procès contre les éditions Boosey and Hawkes relativement à l’édition de l’orchestration, procès deux fois perdu le 13 juin 1961 au Tribunal de Commerce de la Seine et le 10 mars 1970 à la Cour d’Appel de Paris.

Sources and protocol

Les sources utilisées pour l’élaboration du dossier sont multiples et variées :

 

Avant-programmes

Programmes de salle

Annonces dans la presse

Comptes rendus dans la presse

Correspondances

Références bibliographiques :

  • Biographies de musiciens, en particulier de chefs d’orchestre
  • Inventaires de concerts
  • Dictionnaires de musiciens
  • Dictionnaires des lauréats du Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris
  • Histoires de la musique
  • Histoires d’orchestres
  • Histoires de théâtres
  • Souvenirs de musiciens
  • Catalogues de ventes aux enchères ou de librairies spécialisées

Select bibliography

Christian GoubaultMaurice Ravel. Le jardin féerique, Paris, Minerve, 2004. (voir notamment p. 240-242)

Philip Hale, « Pictures at an Exhibition (Pianoforte Pieces arranged for Orchestra by Maurice Ravel). Modest Petrovitch Moussorgsky », Boston Symphony Orchestra concert program, Subscription Series, Season 44 (1924-1925), Week 5, 7-8 November 1924, p. 386-401.

Hélène Jourdan-MorhangeRavel et nous. L’homme. L’ami. Le musicien, Genève, Éditions du Milieu du Monde, 1945, p. 88-89.

« Jurisprudence. Cour d’Appel de Paris – 1re Chambre. 10 mars 1970 », Revue internationale du droit d’auteur (RIDA), n°65, juillet 1970, p. 139-145.

Marcel MarnatMaurice Ravel, Paris, Fayard, 1986, p. 535-542, 769-770. (réédition en 1995)

Moussorgsky-Ravel, Pictures at an exhibition. Tableaux d’une Exposition. Bilder einer Ausstellung. New edition based on the original printed score of 1929. Full orchestral score, London, Boosey & Hawkes, 2002.

Roger NicholsRavel: A Life, New Haven, Yale University Press, 2011, p. 235-236, 239, 245-246, 248, 309.

Maurice RavelL’intégrale : correspondance (1895-1937), écrits et entretiens, édition établie, présentée et annotée par Manuel Cornejo, Paris, Le Passeur Éditeur, 2018. (voir notamment tous les échanges épistolaires connus entre Maurice Ravel et Serge Koussevitzky)

Nicolas Slonimsky, Perfect Pitch, Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 94.

Jean Touzelet, « Historical recordings (1912-1939) » (compiled by), in Arbie Orenstein, Ravel. Man and Musician, New York-London, Columbia University Press, 1975, p. 247-270 (p. 269) ; réédition : New York, Dover Publications, 1991, p. 247-270 (p. 269). (sont recensés les deux premiers enregistrements discographiques de Serge Koussevitzky de 1930 et d’Alois Melichar de 1931)

Jean Touzelet« Interprétations historiques (rollographie, discographie, filmographie, vidéographie), 1911-1988 »,, in Maurice Ravel, Lettres, écrits, entretiens, présentés et annotés par Arbie Orenstein, Paris, Flammarion, 1989, p. 400-475. (voir 420-421, 437-438, 441-442, 463-464, 465, 468 ; le second enregistrement d’Alois Melichar de 1931 est omis)

Émile Vuillermoz, « La musique mécanique. Quelques bons disques », Excelsior, 24 janvier 1932, p. 4. (sur l’enregistrement discographique berlinois sous la direction orchestrale d’Alois Melichar pour le label Polydor)

Émile Vuillermoz, « L’œuvre de Maurice Ravel », in Maurice Ravel par quelques-uns de ses familiers, Paris, Éditions du Tambourinaire, 1939, p. 1-95 (p. 87-88).

To cite this dossier

Manuel Cornejo (ed.), «L’orchestration par Ravel des Tableaux d’une exposition de Moussorgsky (1922-1945)», Dezède [online]. dezede.org/dossiers/id/516/ (consult the Sept. 28, 2023).