Concours de sortie (1896-1920)
Ce dossier rassemble les programmes des concours publics de fin d’année du Conservatoire de Paris, sous les mandats de Théodore Dubois (1896-1905) et Gabriel Fauré (1905-1920). Dans un premier temps, seuls les programmes des classes de bois et de cordes graves ont été restitués : ce dossier pourra s’enrichir des programmes d’autres concours ultérieurement.
Historical context
Dans le paysage des concours musicaux de la IIIe République, le « Concours du Conservatoire de Paris », couronnement du parcours des élèves du Conservatoire de musique et de déclamation se distingue par son rayonnement national et par sa périodicité : rendez-vous annuel immanquable de la vie musicale française, les concours de sortie incarnent tout autant l’aboutissement d’un apprentissage qu’un moment propice à des réunions mondaines et politiques, où se discutent l’orientation de l’enseignement musical supérieur français.
Organisés chaque année en juin ou en juillet, sur deux semaines environ, les concours font entendre les élèves, toutes disciplines confondues, préalablement « admis à concourir » par leur professeur. La nomenclature des récompenses (1er puis 2d prix, 1er puis 2d accessit) permet aux élèves musiciens et chanteurs de concourir plusieurs années de suite, dans l’espoir d’obtenir la plus haute récompense. Les élèves qui concourent deux fois sans obtenir de récompense ne peuvent plus se présenter.
Les épreuves du concours
Les épreuves consistent, quasi invariablement pour cette période, en l’interprétation d’un morceau dit « d’exécution », le plus souvent de caractère concertant, et en un déchiffrage, le plus souvent accompagné, épreuve dite de « lecture à vue » - cette dernière constitue une spécificité de l’enseignement du Conservatoire. En fonction du nombre de candidats, les pièces peuvent être entendues jusqu’à plusieurs dizaines de fois d’affilée - permettant au jury d’apprécier le niveau des candidats entre eux, et au public, pour moitié composé de journalistes, de discuter, in situ ou a posteriori dans la presse, des prouesses et des échecs des candidats.
Qu’il s’agisse des morceaux d’exécution ou des lectures à vue (présentes jusqu’en 1915), une très large part du répertoire des concours consiste en commandes ad hoc : le directeur du Conservatoire commande annuellement pour ces concours des partitions originales à des compositeurs, le plus souvent professeurs au Conservatoire (à l’instar de Charles Lefebvre, Henri Dallier ou Jules Mouquet, qui comptent parmi les plus prolifiques producteurs d’œuvres de concours), ou extérieurs — bien que presque tous anciens élèves du Conservatoire (Büsser, Debussy, Hahn ou Enesco, parmi de nombreux autres).
Les titres de ces œuvres de circonstance, qui forment presque un genre en soi, reflètent cet usage (Solo de concours, Morceau de concours...) ou bien consistent en indications de tempi qui présagent d’œuvres contrastantes, devant mettre en exergue les différentes qualités des candidats (Andante et scherzo, Sarabande et thème varié...).
Lorsque ce ne sont pas des œuvres spécialement composées pour les épreuves qui sont interprétées, on voit programmées des œuvres de répertoire, pour les instruments à cordes surtout : Dvořák, Weber, Saint-Saëns ou Bach, entre autres. ll est toutefois à noter que l’appréciation des jurys ne semble jamais porter sur l’interprétation du « répertoire » en soi, mais bien sur les qualités d’exécution des candidats.
Les jurys du concours
Les jurys des concours, réglementairement présidés par le directeur du Conservatoire ou un représentant, sont constitués d’environ sept à douze membres, avec la présence systématique de compositeurs. Il est à noter que les auteurs des morceaux de concours et lectures à vue, s’ils ne sont pas au piano pour accompagner les candidats, siègent le plus souvent au jury. Si quelques compositrices sont jouées lors des épreuves, on ne dénombre aucune femme jurée sur la période.
Les lieux du concours
La grande salle des concerts du Conservatoire, située dans l’actuelle rue homonyme, accueille la majorité des concours de sortie jusqu’en 1904.
À la suite d’une décision du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, les concours ont lieu dans la grande salle du Théâtre de l’Opéra-Comique de 1905 à 1910. Dans son discours donné lors de la distribution des prix du 3 août 1905, Étienne Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, précise la motivation de cette délocalisation :
« C’est un but d’éducation qui m’a amené à transporter le concours de fin d’année dans la salle de l’Opéra-Comique. L’exiguïté de la salle du Conservatoire, les dangers d’incendie qu’elle offre et qui engagent la responsabilité directe du Sous-Secrétaire d’État, auraient suffi, sans doute, à motiver cette mesure.
Mais j’ai considéré aussi qu’il importait de faire connaître à un public plus nombreux vos si intéressants travaux et de donner à des jeunes talents un cadre plus vaste et plus conforme à celui où ils devront se produire un jour. » (extrait du Journal officiel du 4 août 1905, p. 4799)
En 1911, en raison de l’indisponibilité de la salle de l’Opéra-Comique — qui voit sa saison se prolonger jusqu’en juillet, les concours se déroulent au Théâtre de l’Odéon.
De 1912 à 1914, les concours de fin d’année retrouvent la salle des concerts du Conservatoire. Durant le premier conflit mondial, les concours sont transportés de 1915 à 1919 au nouveau Conservatoire de la rue de Madrid. Le public des concours — qui comptait jusqu’à quatre cents personnes, rue du Conservatoire — est drastiquement réduit, comme le précise l’article 106 du règlement organique de 1915 :
« Afin de leur garder leur caractère de scolarité, [les concours] auront lieu en présence seulement des membres du conseil supérieur d’enseignement, des professeurs, des élèves, de la critique et des directeurs de théâtres de Paris ou des départements qui exprimeront le désir d’y assister. »
En 1920, les candidats retrouvent la salle des concerts du Conservatoire.
Sources and protocol
Les données restituées dans ce dossier sont principalement issues des archives administratives du Conservatoire, et notamment des procès-verbaux des concours, dont une partie est conservée aux Archives nationales de France sous la cote AJ/37/253.1. Ces procès-verbaux, rédigés par Fernand Bourgeat, secrétaire général du Conservatoire, lors des délibérations qui suivent les concours, sont le témoignage le plus précis et souvent le plus exhaustif de ces événements. Les commentaires des jurys (AJ/37/255/1) ont pallié l’absence de procès-verbaux pour certaines années. Plusieurs titres de presse ont complété la recherche et ont fourni de précieux détails sur le déroulement des épreuves, à l’instar des longs comptes rendus d’Arthur Pougin parus dans Le Ménestrel.
Une large part des lectures à vue jouées lors des concours ont pu être identifiées au moyen de la base de données des lectures à vue du Conservatoire de Paris (liée au programme ANR/HEMEF).
Select bibliography
Anne Bongrain, Le Conservatoire national de musique et de déclamation, 1900-1930, documents historiques et administratifs, Paris, Vrin, 2012.
Constant Pierre, Le Conservatoire national de musique et de déclamation. Documents historiques et administratifs, Paris, Imprimerie nationale, 1900.
Gail H. Woldu, Gabriel Fauré as director of the Conservatoire national de musique et de déclamation, 1905-1920, PhD, Université de Yale, 1983.