Ce dossier réunit tous les concerts donnés à Paris pendant huit saisons par l’orchestre des Concerts Koussevizky, aussi appelés, depuis 1922, Grands concerts symphoniques Serge Koussevitzky, sous la direction de Serge Koussevitzky du 22 avril 1921 au 14 juin 1928. Il comporte 46 concerts au total, dont la plupart, 34, eurent lieu à l’Opéra de Paris du 10 novembre 1921 au 12 juin 1926, les trois premiers concerts, trois festivals de musique russe, s’étant déroulés Salle Gaveau du 22 avril au 6 mai 1921 et les deux dernières séries de concerts au Théâtre des Champs-Élysées du 21 mai au 11 juin 1927 et à la Salle Pleyel du 24 mai au 14 juin 1928. À cet ensemble, vient s’ajouter un concert de bienfaisance au Palais du Trocadéro le 21 mars 1922 (initialement prévu le 4 mars 1922) organisé par la Ligue des droits de l’homme et du citoyen « pour les affamés de Russie ».

Historical context

Serge Koussevitzky, ancien contrebassiste solo au Bolchoï (1901-1905) et qui se produisit en tant que tel aux Concerts Colonne à Paris le 23 février 1908, se tourna rapidement vers la direction d’orchestre, tout d’abord à Berlin (1908), puis à Moscou et Saint-Pétersbourg (1909), où, à la tête de ses propres concerts symphoniques, il se proposa « de faire connaître, en Russie, la musique moderne, aussi bien russe qu’étrangère, et de donner une interprétation aussi parfaite que possible des chefs-d’œuvre de la musique classique […] non seulement dans les centres, à Pétrograd et à Moscou, mais aussi en province, à Kiev, Karkov, Poltava, Odessa, dans toutes les villes du Volga, etc. » (texte de présentation en fin des programmes de salle des Concerts Koussevitzky, Paris, 1921, 1922, etc.). Dans ce cadre, la musique française contemporaine occupait une place importante et Claude Debussy vint en Russie diriger lui-même ses œuvres à ces concerts en 1912-1913. En parallèle, Serge Koussevitzky avait fondé sa maison d’édition musicale, l’Édition russe de musique/Russischer Musikverlag, destinée principalement à publier les partitions des compositeurs modernes russes ainsi que l’édition en français par Michel-Dimitri Calvocoressi de l’important traité Principes d’orchestration de Rimsky Korsakov — livre de chevet de Maurice Ravel. Serge Koussevitzky s’était décidé à quitter la Russie et à se fixer à Paris en 1920 pour poursuivre ses activités musicales et éditoriales.

Afin de mener une action plus profonde et pérenne que trois festivals de musique russe donnés à Paris au printemps 1921 Salle Gaveau et d’autres donnés à Londres, il eut « le projet de faire revivre périodiquement ces concerts à Paris, dans ce centre de civilisation mondiale. La direction des Concerts se propose, ici, le même but qu’elle poursuivait à Moscou et à Pétrograd : faire entendre, dans les meilleures conditions d’interprétation, la musique classique ainsi que les œuvres nouvelles des compositeurs modernes. Elle a engagé pour ces concerts, les virtuoses les plus renommés, et l’orchestre est composé des meilleurs artistes de Paris » (texte de présentation en fin des programmes de salle des Concerts Koussevitzky, Paris, 1921, 1922, etc.). Issus des meilleurs orchestres parisiens (Colonne, Lamoureux et Pasdeloup essentiellement), les musiciens de l’Orchestre des Concerts Koussevitzky étaient près de 100 (la liste détaillée des membres de l’orchestre peut être consultée ici). 

Ainsi, ce sont, au total 46 concerts que Serge Koussevitzky organisa et dirigea à Paris du 22 avril 1921 au 14 juin 1928 : une série de 3 concerts (avril-mai 1921), une série de 6 concerts (novembre-décembre 1921), neuf séries de 4 concerts (avril-mai 1922, octobre-novembre 1922, mai 1923, octobre-novembre 1923, mai 1924, mai-juin 1925, mai-juin 1926, mai-juin 1927, mai-juin 1928), sans oublier un concert isolé, de bienfaisance, « pour les affamés de Russie » au Palais du Trocadéro le 21 mars 1922 organisé par la Ligue des droits de l’homme et du citoyen.

Le lieu principal pour tous ces concerts symphoniques fut l’Opéra de Paris (Garnier), pour 34 concerts (novembre 1921-juin 1926), les trois premiers festivals de musique russe ayant eu lieu Salle Gaveau (avril-mai 1921) et les deux dernières saisons s’étant déroulées au Théâtre des Champs-Élysées (7e saison, mai-juin 1927) et Salle Pleyel (8e et dernière saison, mai-juin 1928).

La particularité des « Grands concerts symphoniques Serge Koussevitzky » fut leur éclectisme et leur avant-gardisme. D’une part, il s’agissait de faire une large place à la musique russe, tant celle du Groupe des Cinq que celle des compositeurs contemporains où qu’ils soient fixés : Vladimir Dukelsky (qui prit ensuite le nom de Vernon Duke), Nicolas Obouhov (protégé de Maurice Ravel), Serge Prokofiev, Serge Rachmaninov, Alexandre Scriabine, Igor Stravinsky (avec pas moins de deux festivals de ses œuvres avec son concours les 22 mai 1924 et 13 juin 1925), etc. D’autre part, Koussevitzky voulait favoriser la diffusion et la création de nombreuses œuvres de compositeurs français parmi lesquels Lili Boulanger, Claude Debussy, Pierre-Octave Ferroud, Charles Koechlin, Albéric Magnard, Darius Milhaud, Albert Roussel, Erik Satie, Florent Schmitt, Germaine Tailleferre, ainsi que Maurice Ravel et ses élèves Maurice Delage et Roland-Manuel. La liste des compositeurs vivants ne se limite pas à des Russes et des Français mais inclut des étrangers fixés ou non en France : dans le premier cas Arthur Honegger, Filip Lazăr, Alexandre Tansman, etc., et, dans le second, Arnold Bax, Ernest Bloch, John Alden Carpenter, Aaron Copland, Henry Eicheim, Manuel de Falla, Paul Hindemith, Joseph Holbrooke, Gian Francesco Malipiero, William Henry Reed, Ottorino Respighi, Richard Strauss, Deems Taylor, Ernst Toch, etc. Certaines œuvres furent spécialement commandées par Serge Koussevitzky pour les besoins de ses concerts et parfois éditées par sa maison d’édition, à l’image de l’orchestration par Ravel en 1922 des Tableaux d’une exposition de Moussorgsky.

Si les Concerts Koussevitzky firent la part belle aux créations et aux premières auditions à Paris, le répertoire « classique » n’en fut pas moins représenté pour autant (J.-S. Bach, Berlioz, Boccherini, Brahms, Hændel, Haydn, Liszt, Mendelssohn, Mozart, Schubert, Vivaldi, Wagner, Weber, Wolf, etc.), avec parfois l’exhumation d’œuvres anciennes (Polaci, Henri-Joseph Rigel, etc.), certaines orchestrées par Maximilian Steinberg (C.-E. Bach, J.-E. Galliard), même si ce n’est pas cet aspect des Concerts Koussevitzky qui était le plus prisé et apprécié.

Les comptes rendus des 46 Concerts Koussevitzky listés dans ce dossier Dezède permettent de voir que la critique fut unanime à louer Serge Koussevitzky comme organisateur de concerts et comme dénicheur et créateur d’œuvres nouvelles. En revanche, les avis sur la direction d’orchestre à proprement parler de Serge Koussevitzky, globalement flatteurs et parfois enthousiastes, furent plus partagés, et dans certains cas réservés voire critiques, sachant aussi que la direction d’orchestre fut jugée différement selon les répertoires musicaux, les œuvres contemporaines semblant mieux convenir à Serge Koussevitzky.

Comme la presse le souligna dans maints comptes rendus, les Concerts Koussevitzky jouèrent un rôle très important dans la vie musicale parisienne, notamment pour la découverte d’œuvres nouvelles. Certains critiques jugèrent même l’effort créatif et qualitatif de cette société de concerts supérieur à celui de certains orchestres parisiens. Les services rendus par les Concerts Koussevitzky expliquent que Serge Koussevitzky ait été promu chevalier de la Légion d’honneur en 1924, juste avant d’être nommé à la tête du Boston Symphony Orchestra pour succéder à Pierre Monteux, avec une grande réception au siège du quotidien Comœdia le 18 juin 1925 pour fêter le chef d’orchestre, l’organisateur de concerts symphoniques et l’éditeur musical.

Sources and protocol

Les sources utilisées pour l’élaboration du dossier sont multiples et variées :

- Avant-programmes

- Programmes de salle : en particulier ceux conservés à la BnF (département de la musique et bibliothèque-musée de l’Opéra)

- Annonces dans la presse : en particulier dans ComœdiaLe Courrier musical, Le Figaro, Le Guide du concertLe Ménestrel, Le Monde musical

- Comptes rendus dans la presse : au minimum ceux de Comœdia et Le Ménestrel

- Correspondances : en particulier les échanges Stravinsky-Koussevitzky (édités et le cas échéant traduits en anglais par Victor Yuzefovich en 2002) et les échanges Ravel-Koussevitzky (édités par Manuel Cornejo en 2018)

- Références bibliographiques :

  • Biographies de musiciens
  • Inventaires de concerts
  • Dictionnaires de musiciens
  • Dictionnaires des lauréats du Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris
  • Histoires de la musique
  • Histoires de théâtres
  • Souvenirs de musiciens : en particulier ceux de Serge Prokofiev (traduits en anglais et édités par Anthony Phillips en 2008 et 2012) et d’Alexandre Tansman
  • Catalogues de ventes aux enchères ou de librairies spécialisées

Select bibliography

Arthur Lourié, Sergei Koussevitzky and his Epoch, New York, Alfred A. Knopf, 1931, 254 p.

Roger Nichols, The Harlequin Years. Music in Paris 1917-1929, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 2002, 288 p.

Sergey ProkofievDiaries [2]. 1915-1923. Behind the Mask, translated and annotated by Anthony PhillipsLondon, Faber and Faber, 2008.

Sergey ProkofievDiaries [3]. 1924-1933. Prodigal Son, translated and annotated by Anthony PhillipsLondon, Faber and Faber, 2012.

Maurice RavelL’intégrale : correspondance (1895-1937), écrits et entretiens, édition établie, présentée et annotée par Manuel Cornejo, Paris, Le Passeur Éditeur, 2018. (voir notamment les échanges de correspondances Ravel-Koussevitzky conservés à la Library of Congress, Serge Koussevitzky Archive)

Moses Smith, Koussevitzky, New York, Allen, Towne & Heath Inc., 1947, xii-400 p.

Alexandre Tansman, Une voie lyrique dans un siècle bouleversé, textes réunis par Mireille Tansman-Zanuttini, préfacés et annotés par Gérald Hugon, Paris, L’Harmattan, 2005, 466 p.

Alexandre Tansman, Regards en arrière. Itinéraire d’un musicien cosmopolite au XXe siècle, texte édité par Cédric Segond-Genovesi avec la collaboration de Mireille Tansman Zanuttini et Marianne Tansman Martinozzi, Éditions Aedam Musicae, 2013, 529 p.

Victor Yuzefovich (edited, introduced and annotated by) and Marina Kostalevsky (translated by), « Chronicle of a Non-Friendship: Letters of Stravinsky and Koussevitzky », The Musical Quarterly, 86/4, Winter 2002, p. 750-885. (échanges de correspondances Stravinsky-Koussevitzky conservés à la Library of Congress, Serge Koussevitzky Archive)

To cite this dossier

Manuel Cornejo (ed.), «Concerts Koussevitzky à Paris (1921-1928)», Dezède [online]. dezede.org/dossiers/id/521/ (consult the Sept. 26, 2023).